L'Observatoire de l'Éthique PubliqueCommuniqués de Presse

Communiqué de presse

Communiqué de presse n°20

Synthèse des travaux de l'université d'été de L'Observatoire de l'éthique publique

La matinée d’études de l’Université d’été de l’Observatoire de l’Éthique publique du vendredi 31 mai 2024 portait sur l’accès aux documents administratifs. Elle s’est structurée autour de deux tables rondes, la première étant dédiée aux grands témoignages sur la difficulté d’accéder aux documents administratifs des institutions politiques et la seconde autour des propositions d’amélioration permettant de garantir la bonne communicabilité des documents administratifs des institutions politiques.

Communiqué de presse n°20

Edouard Cortot, doctorant contractuel à l’Université de Lille avec une thèse portant sur « L'accès aux documents administratifs des institutions politiques françaises », a ouvert la matinée en rappelant que la constitutionnalité du droit à l’accès aux documents administratifs n’a été consacrée que récemment (Cons. const., déc. n° 2015-471 QPC du 29 mai 1995, Mme Nathalie K.-M pour l’invocabilité à l’appui d’une QPC, puis Cons. const., déc. n° 2017-655 QPC du 15 sept. 2017, M. François G pour la proclamation de l’existence de ce droit via cette disposition), alors même que l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen semblait pourtant l’établir assez clairement. 

Il a ensuite pointé une des premières clés de compréhension expliquant les difficultés d’accès aux documents administratifs : le droit reconnu porte sur l’accès aux documents et non sur l’information en tant que tel.

L’amélioration au niveau matériel de l’effectivité de ce droit reste à souligner, puisque grâce à l’activité de la CADA, les délais ont été réduits et des Personnes Responsables de l’accès aux documents administratif (PRADA) ont été mises en place. Néanmoins différentes difficultés subsistent, que ce soit en termes de spécialisation des PRADA ou en matière d’organisation des administrations, ce que la baisse des taux de suivi des avis de la CADA illustre. Parmi les pistes envisagées l’Open data pourrait constituer un levier d’amélioration.

Sur le plan juridique, l’absence de contrainte des avis de la CADA questionne et complexifie les demandes, car l’administration n’est pas tenue de suivre ces avis, imposant alors aux demandeurs d’initier une phase juridictionnelle et allongeant les délais d’accès. Enfin, la question des secrets interroge, de par l’imprécision de leurs définitions qui complexifie la délimitation de leur champ.

La table ronde, animée par Elina Lemaire, professeure de droit public à l’Université de Bourgogne et Nicolas Kaciaf, maitre de conférences en sciences politique à Sciences Po Lille, s’est ensuite ouverte, en présence de Matthieu Caron, maitre de conférences-HDR à l’Université Polytechnique des Hauts-de-France et directeur du département d’éthique des affaires de l’OEP, Eva Darnay, doctorante contractuelle à l’Université de Bourgogne, Pierre Januel et Alexandre Léchenet, journalistes indépendants, ainsi que Laura Motet, enquêtrice au Monde.

Ont été évoqués divers exemples relatifs aux expériences personnelles des intervenants et animateurs, racontant tour à tour leurs difficultés à accéder à des documents administratifs. 

Elina Lemaire a pu détailler la complexité qu’avait représenté l’accès aux documents relatifs à la rémunération des membres du Conseil constitutionnel. Eva Darnay a quant à elle évoqué la question des archives de l’Élysée et son évolution, positive, mais encore insuffisante. Les différents journalistes ont pu relater divers exemples issus de leurs enquêtes où l’accès à des documents administratifs leur a été refusé, qu’il s’agisse de documents ou de données.

Ont aussi été rappelés l’usage par les administrations et les institutions politiques de mécanismes visant à décourager les demandeurs, par une procédure longue et couteuse aussi bien financièrement qu’en termes de temps. L’exemple des notes de frais d’Anne Hidalgo est particulièrement éloquent, avec un refus de fournir ces documents, malgré un avis favorable de la CADA et une décision du tribunal administratif, qui a nécessité une saisine du Conseil d’État, pour que finalement les informations demandées soient fournies à un autre journaliste.

Les échanges ont également permis d’établir l’exemple d’une culture particulière du secret en France, qui n’existe pas dans d’autres pays beaucoup plus rompus à la transparence, comme le Danemark.

La deuxième table ronde était animée par Elsa Forey, professeure de droit public à l’Université de Bourgogne et Raphaël Maurel, maître de conférences à l’Université de Bourgogne et directeur général de l’OEP, en présence des intervenants précédents rejoints par Laëtitia Guilloteau, rapporteure générale adjointe à la CADA.

Cette table ronde a donné lieu à des échanges nourris autour des différents freins qui existent dans l’accès aux documents administratifs, comme les délais de communicabilité, les délais contentieux, l’opposabilité du secret, la dissémination des archives ou l’insuffisance d’une culture archivistique. Il a aussi été rappelé qu’en portant uniquement sur les documents administratifs, le droit d’accès est beaucoup plus restreint que ne le serait un droit d’accès à l’information, comme c’est le cas aux Etats-Unis, avec le Freedom Act of Information (FOIA).

Laëtitia Guilloteau a ensuite rappelé le travail de la CADA en faveur d’une meilleure acculturation des administrations, permettant de mieux appréhender la notion de document administratif, la portée du secret des affaires, des délibérations du gouvernement, notamment au travers des PRADA. La CADA reste néanmoins limitée par son périmètre, qui ne lui permet pas d’agir sur les classements. Diverses propositions ont émergé de ces discussions, parmi lesquelles la création d’un référé communication qui permettrait de répondre à l’étirement des procédures contentieuses, ou encore la possibilité de doter les décisions de la CADA d’un effet contraignant.

Michel Le Clainche a clôturé cette matinée en informant le public qu’un dossier sur la transparence financière était prévu en septembre 2024 à la Revue Gestion et Finances Publiques. Il a également rejoint la critique portant sur la désorganisation de cette fonction, rappelant que ce dispositif n’est pas enseigné dans la formation des fonctionnaires, d’autant que les administrations font face à des problématiques budgétaires qui limitent leur capacité, surtout en l’absence de budget dédié. 

Il a ensuite procédé à une synthèse des différentes leçons à tirer de cette matinée d’étude et tiré quatre grandes leçons de ces échanges : 

Le dispositif d’accès aux documents est de plus en plus utilisé dans une optique citoyenne, que ce soit par les journalistes ou par les chercheurs, voir même les associations (1), en réponse à la culture du secret, les demandeurs de documents ont intérêt à persévérer et à demander pourquoi l’accès à ces documents leur est refusé, ce qui souvent permet de vaincre les réticences (2), La procédure est marquée par la complexité, et la question des délais d’accès est une difficulté majeure (3). 

8 propositions d’évolution se dégagent alors (4) : donner un effet contraignant aux avis de la CADA ; organiser un meilleur suivi des avis, incluant une amélioration des conditions de publication des suivis ; engager une réflexion quant à la notion de « document », dont il faut évaluer l’intérêt comparé avec celles d’« information » ou de « donnée » ; créer un référé-communication ; mieux interpréter les nécessaires secrets en mettant en balance l’importance de leur protection avec l’intérêt de la communication ; mettre en place des médiations entre demandeurs et administrations ; ou encore améliorer la formation des agents publics sur le sujet. 

Cette intervention s’est conclue par un rappel des risques en matière de limitation de l’information. De plus, le développement de la gouvernance par les nombres et les révolutions numériques sont inquiétantes et posent le risque de manipulation par des fausses informations. L’antidote à ces risques est connu : la transparence.

Les travaux de Lille donneront lieu à de nouvelles réflexions au sein de l’OEP ; une table-ronde à l’Assemblée nationale, en présence des parlementaires intéressés par le sujet, aura lieu à l’automne 2024 afin d’approfondir certains points et de formuler des propositions concrètes.

 

Fichiers

Publié le 04/06/2024